• La théorie du genre (grammatical)

    La théorie du genre (grammatical)

    Nous vivons en des temps troublés. De sinistres censeurs s'insurgent contre de médiocres publications pour la jeunesse. Le très légitime souci de ne pas enfermer les enfants dans des stéréotypes féminins ou masculins devient une injonction à les sensibiliser à la notion de genre (en lieu et place d'autres enseignements). Cette injonction fait l'objet d'applications autant zélées que maladroites, mais aussi d'imprécations exagérées qui n'ont que peu de rapport à la réalité. 

    Il est donc temps de rappeler qu'il y a bien longtemps, le genre était enseigné à l'école, et que c'est la grammaire, résidu des méthodes rébarbatives d'autrefois, qui en avait jusque-là le monopole. 

    Souvenons-nous de ces leçons sur le genre du nom et sur l'accord "en genre et en nombre" de l'adjectif qualificatif, puis sur l'accord des participes passés. 

     

    1/ Féminité à sens unique 

    Mais aujourd'hui, il convient de voir qu'il y a un "trouble dans le genre". La notion est pourtant assimilée par les élèves, qui savent pour la plupart (mais pas tous) que lorsqu'on demande le genre du nom, il s'agit de dire s'il est masculin ou féminin. 

    En revanche, on se demande comment il se fait que, même en troisième, la plupart croit encore que seule la lettre E indique qu'un nom ou qu'un adjectif est féminin. Où sont passées les leçons sur les féminins des noms, qui, tout compte fait, ne prennent que rarement un E au féminin ? Où sont les "doctoresses", les "inspectrices", les "juments" et les "génisses" ? Où sont la "fourmi", la "perdrix", la "brebis" qui s'enfoncent dans la "nuit" (par ordre de taille) ? 

     

    2/ La tyrannie du "e" final

    La majorité de mes élèves pensent qu'un nom finissant par -TÉ  doit prendre un E. C'est ainsi que l'on trouve en dictée (là, c'est normal) : "la beautée", "la quantitée", etc. Il suffit pourtant d'apprendre par cœur la sempiternelle liste  des exceptions : "la dictée, la jetée, la montée, la pâtée, la portée".

    Personnellement, je raffine en indiquant que, mis à part les noms indiquant une contenance (les fameuses "fourchetée", "assiettée", "brouettée", ainsi que la "nuitée"), les noms en -TÉE sont tous des verbes au participes passés transformés en noms. Ainsi, la "dictée" est ce qui est dicté, la note est portée sur la "portée", la "jetée" jetée dans la mer, la "montée" montée. Reste la "pâtée", qui n'est qu'un "pâté" féminisé. 

    Cela donne une règle assez simple : si le nom en TÉ vient du verbe homophone, on met un E. Ainsi, les verbes "liberter", "fraterniter", et "égaliter" n'existent pas : pas de E !

     

    3/ Le féminin perdu dans le nombre

    Mais le genre connaît d'autres vicissitudes. Ainsi, un grand nombre d'élèves, lorsqu'il faut accorder un adjectif ou un verbe au participe passé, omettent systématiquement de mettre un E si le nom auquel ils se rapportent est pluriel. 

    Ainsi, dans "Les deux mamans se sont mariées", l'élève qui comprendra que ce sont les "mamans" qui sont mariées, et qu'il faut donc accorder le participe au sujet, a une chance sur deux pour se tromper et écrire "mariéS". Tout se passe comme si le nombre avait la priorité sur le genre. Du moment qu'il y en a plusieurs, peu importe qu'il y ait des filles : tous en pantalons, pas de E ! La règle de l'accord du verbe avec le sujet masculin, même s'il y a d'autres sujets féminins, va donc se nicher partout.

     

    4/ Le féminin passe-partout

    Autre constat : l'orthographe du verbe au participe passé est une terra incognita pour les élèves actuels. La vue d'un I ou d'un U, resté tout seul à la fin du mot, jette les élèves dans un grand trouble. "Paru", "perdu", "fini" deviennent donc, sans qu'un accord avec un mot féminin le justifie, "paruE", "perduE" ou "finiE". 

    Le I et le U tout nus sont presque obscènes. Couvrez cette voyelle que je ne saurais voir ! Le E rend le mot plus élégant, plus décent. Il rassure et remet chaque chose à sa place. 

     

    Je plaide donc pour la réintroduction rapide de la théorie du genre dans les manuels de grammaire de cours élémentaire (s'il en existe encore). Pour que la notion de genre ne reste pas purement "théorique" !

     


  • Commentaires

    1
    Mercredi 19 Février 2014 à 15:41

    Je me souviendrai des  noms en -té venant du verbe homophone.

    2
    Mercredi 19 Février 2014 à 16:23

    C'est effectivement pratique. Et logique : le participe passé s'accorde en genre et en nombre. 

    3
    Rudolf
    Mercredi 19 Février 2014 à 16:25

    bravo !

    4
    séverine
    Vendredi 3 Octobre 2014 à 00:02

    merci pour cette révision soignéE 


    je me suis parfois reconnuE dans certains exemples , j'ai du oublié mes manuels 


    c'était il y a bien longtemps quand même ...


     

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