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    Quand Condorcet justifie l'organisation du premier degré d'instruction (les écoles primaires) dans son plan d'organisation de l'instruction publique, il fait preuve d'un bon sens qu'on a peine à retrouver aujourd'hui. 

    Un texte utile au moment où l'on parle de socle commun, d'interdisciplinarité et d'enseignement par compétences. 

    En jetant les yeux sur la liste des professeurs, on remarquera peut-être que les objets d'instruction n'y sont pas distribués suivant une division philosophique, que les sciences physiques et mathématiques y occupent une très-grande place, tandis que les connaissances qui dominaient dans l'ancien enseignement y paraissent négligées.

    Mais nous avons cru devoir distribuer les sciences d'après les méthodes qu'elles emploient, et par conséquent d'après la réunion de connaissances qui existe le plus ordinairement chez les hommes instruits, ou qu'il leur est plus facile de compléter.

    Peut-être une classification philosophique des sciences n'eût été dans l'application qu'embarrassante, et presque impraticable. En effet, prendrait-on pour base les diverses facultés de l'esprit ? Mais l'étude de chaque science les met toutes en activité, et contribue à les développer, à les perfectionner. Nous les exerçons même toutes à la fois, presque dans chacune des opérations intellectuelles. Comment attribuerez- vous telle partie des connaissances humaines à la mémoire, à l'imagination, à la raison, si lorsque vous demandez par exemple à un enfant de démontrer sur une planche une proposition de géométrie, il ne peut y parvenir sans employer à la fois sa mémoire, son imagination et sa raison ? Vous mettrez sans doute la connaissance des faits dans la classe que vous affectez à la mémoire ; vous placerez donc l'histoire naturelle à côté de celle des nations, l'étude des arts auprès de celle des langues ; vous les séparerez de la chimie, de la politique, de la physique, de l'analyse métaphysique, sciences auxquelles ces connaissances de faits sont liées, et par la nature des choses et par la méthode même de les traiter. Prendra- t-on pour base la nature des objets ? Mais le même objet, suivant la manière de l'envisager, appartient à dés sciences absolument différentes. Ces sciences ainsi classées exigent des qualités d'esprit qu'une même personne réunit rarement ; il aurait été très-difficile de trouver, et peut-être de former des hommes en état de se plier à ces divisions d'enseignement. Les mêmes sciences ne se rapporteraient pas aux mêmes professions, leurs parties n'inspireraient pas un goût égal aux mêmes esprits, et ces divisions auraient fatigué les élèves comme les maîtres.

    Quelque autre base philosophique que l'on choisisse, on se trouvera toujours arrêté par des obstacles du même genre. D'ailleurs, il fallait donner à chaque partie une certaine étendue, et maintenir entre elles une espèce d'équilibre ; or, dans une division philosophique, on ne pourrait y parvenir qu'en réunissant par renseignement ce qu'on aurait séparé par la classification.

    Nous avons donc imité dans nos distributions la marche que l'esprit humain a suivie dans ses recherches, sans prétendre l'assujettir à en prendre une autre, d'après celle que nous donnerions à l'enseignement. Le génie veut être libre, toute servitude le flétrit, et souvent on le voit porter encore, lorsqu'il est dans toute sa force, l'empreinte des fers qu'on lui avait donnés au moment où son premier germe se développait dans les exercices de l'enfance.

    Ainsi, puisqu'il faut nécessairement une distribution d'études , nous avons dû préférer celle qui s'était d'elle-même librement établie, au milieu des progrès rapides que tous les genres de connaissances ont faits depuis un demi-siècle.


    Condorcet, Rapport sur l'instruction publique, 1792





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    8 raisons d’enseigner de « grands faits historiques » avant le CE2


    Interdit aux moins de 8 ans.


    Tout va pour le mieux dans la meilleure des écoles en cycle 2, selon l’association disciplinaire Aggiornamento. Dans son récent article de critique (constructive) des nouveaux programmes, elle nie la disparition de l’histoire en cycle 2 :

    En cycle 2, contrairement aux assertions mensongères, il est bien question d’initiation au raisonnement historique. En proposant, dans la rubrique “questionner le monde” (superbe intitulé !) un travail sur la construction du temps historique, sur les frises chronologiques, et, en CE2, sur “quelques grands faits” (intitulé contestable cette fois) de quelques périodes historiques, les élèves sont sensibilisés à l’étude du passé (p36).

    Allons voir dans le projet de programmes de cycle 2 :

    CE2 : Les élèves découvrent et comparent les modes de vie de quelques personnages, grands et petits (un paysan, un artisan, un ouvrier, un soldat, un puissant, ...), appréhendent quelques grands faits de quelques périodes historiques. A partir de critères de comparaisons construits, les élèves découvrent comment d’autres sociétés vivent et se sont adaptées à leur milieu naturel (habitat, alimentation, vêtements, coutumes, importance du climat, du relief, de la localisation, ...)

    Alors, effectivement, il y a un peu d'histoire qui sera fait, en CE2, c'est à dire la dernière année du cycle 2. D’ailleurs, l'approche n'en est pas inintéressante :

    - une entrée par l’individuel

    - une histoire des mœurs,

    - une attention au peuple.


    MAIS...

    1° Le CE2, c'est TRÈS tard !

    Il faudrait commencer au moins au CE1, voire au CP (et même en GS, de manière très souple). En fait, on pourrait reprendre mot pour mot la formulation du programme pour des programmes de GS-CP.

    À titre de comparaison, rappelons le programme d’histoire de 1882 pour la « classe enfantine » (5-7 ans) :

    Anecdotes, récits, biographies tirées de l’histoire nationale ; contes, récits de voyage. Explication d’images.

    Il suffit de fréquenter des enfants de 5 à 7 ans pour connaître leur capacité à s’intéresser au passé le plus ancien. Même constat, si l’on jette un œil à l’édition pour la jeunesse, qui regorge de titres historiques dès le plus jeune âge.

     

    2° La ration risque d’être bien maigre.

    Le programme insiste sur le mot « quelques », faisant ainsi courir un double risque :

    celui que les « quelques grands faits de quelques périodes historiques » fassent l’objet d’une poignée de leçon étalées sur l’année, entrecoupées de très larges périodes sans en parler ;

    celui de se contenter d’aborder cette « comparaison » des modes de vie du passé sur une ou deux « séquences » isolées, de manière « massée », comme on dit dans notre jargon.

    C’est actuellement ce qui se fait dans les classes. Dans les deux cas, on ne peut pas parler d’un véritable enseignement sur les sociétés du passé.

    Or, il en faut bien davantage pour commencer à faire structurer et peupler l’imagination historique des élèves, sans laquelle une réflexion plus conceptuelle ne pourra pas produire de fruits durables dans leur esprit.

     

    3° Trop peu d’histoires pour des « petits » !

    « Quelques grands faits », c’est bien peu explicite. Ainsi décrits, ils peuvent aussi bien être descriptifs que narratifs, voire conceptuels. On pourra parler de tout et n’importe quoi, et le risque est de minorer la part narrative de l’enseignement historique.

    Les petits aiment les histoires. Ça tombe bien ! L’Histoire fourmille d’anecdotes, de récits pittoresques et curieux. Ils peuvent faire l’objet de brefs récits magistraux, aidés du mime et de l’image, et de conversations de classe pleines de vivacité.

    La formulation de 1882 est donc à méditer. Parler de « personnages », c’est plus que souhaitable. Mais cela ne doit pas empêcher de raconter des histoires aux petits.

    Dans ce contexte, comment ne pas encourager à leur rapporter ces récits sur l’histoire que sont les « légendes » ? Souvent erronés, elles participent cependant de la connaissance historique. Elles marquent l’imagination. Elles forment le terreau et le premier terrain de jeu de la réflexion historique.

     

    4° À bas les « grands hommes » ?

    Selon les nouveaux programmes, il ne faudrait évoquer que des personnages génériques : « un paysan, un artisan, un ouvrier, un soldat ». L’accent est mis, et c’est heureux, sur des anonymes qui représentent un groupe social.

    Seulement, pourquoi ne pas évoquer aussi les hommes qui « se sont fait un nom » dans l’Histoire ? En quoi sont-ils moins représentatifs de leur époque et de leur groupe social.

    Il y a un danger à ne parler que des « puissants ». Pour autant, leur éviction a quelque chose de radical.

    En outre, ils forment des repères bien pratique pour commencer à structurer une pensée chronologique, grâce à la chronologie relative. Cela se passe-t-il avant l’époque d’Alexandre, à celle de Bouddha ou après celle de Louis XIV ? Il serait bien difficile de réfléchir ainsi avec notre exemple de paysan du Moyen-Âge, qui ne vit finalement pas si différemment du paysan du « Grand-Siècle ».

     

    Quid des civilisations passées ?

    Se focaliser sur des personnages, c’est très bien. Mais il ne faudrait pas oublier de parler des différentes civilisations du passé. Celles-ci sont abordables dès 5 ans. Elles forment le décor de bien des jeux enfantins.

    Parlez à des petits élèves des chevaliers du Moyen-Âge, et vous les verrez en récréation courir les uns vers les autres dans de spectaculaires tournois ! Idem avec les Romains, les Grecs, les Égyptiens, les hommes de Cro-Magnon. Les dessins des petits, leur moyen d’expression principal, se peupleront de pyramides, de pilums et de galères.

    Il est bien sûr exclu de faire un cours complet sur l’agriculture nilotique ou sur la structure de l’État chinois. Mais il ne faut pas hésiter à s’attarder un moment sur des détails emblématiques qui permettent d’aborder ces faits historiques plus larges et plus complexes : une silhouette de paysan, un terrain limoneux, un mandarin en pleine discussion, un messager impérial, etc.

    Cela peut-être fait assez facilement, soit à l’occasion d’une discussion sur un personnage du passé, soit en observant une belle illustration synthétique, comme on en trouve encore dans les livres pour enfants.

    L’accent serait mis sur les civilisations les plus pittoresques, susceptibles de laisser le plus de traces dans la mémoire. Souvent, ce sont les sociétés les plus anciennes et les plus lointaines qui sont les plus parlantes. Mais il n’y a pas d’exclusive à imposer.

     

    6° Le proche n’est pas le plus simple.

    Les programmes vont du proche au lointain. Sans doute pense-t-on que l’environnement immédiat est plus simple à étudier que le passé lointain. Il faudrait partir de ce qui touche l’enfant, c’est-à-dire lui-même, sa famille, les événements de la vie quotidienne et les traces du passé dans sa ville.

    Cette progression est légitime mais beaucoup trop exclusive. Il faut la doubler d’une progression inverse, qui présente dès le départ un grand nombre de civilisations et de faits historiques anciens.

    En effet, le passé des hommes touche tout aussi bien les petits, par ce qu’ils comportent d’aventures, de lutte contre l’adversité naturelle ou sociale. Ils se voient eux-mêmes dans l’homme de Cro-Magnon ou dans la princesse inca.

     

    7° Les savoirs après les savoir-faire ?

    Au contraire, le temps proche est parfois compliqué à débrouiller. Pour expliquer les traces du passé dans la vie de l’enfant ou dans sa ville, il faut déjà l’embryon d’une méthode historique. Surtout, il faut les capacités d’imagination suffisantes pour recréer les faits passés à partir des traces qu’il a laissées.

    Or, cette imagination n’existe que si elle est nourrie de connaissances et d’images suffisamment nombreuses. L’enseignement de faits historiques serait donc, sinon un préalable, du moins un enseignement complémentaire à la « découverte du monde » proche.

    Le choix de mettre en place des méthodes et les outils de la réflexion historique avant de nourrir la culture historique est donc une erreur. Le travail sur la « construction historique » et sur les « frises chronologiques » se fera bien plus efficacement si les élèves ont en tête des images nombreuses et variées du passé.

     

    8° Ne voir qu’une fois chaque fait historique ?

    Aborder plus tôt ces grands faits historiques, c’est se laisser la possibilité de les revoir. Les connaissances pourront être remobilisées de manière différée, ce qu’on sait être une des conditions de mémorisation des savoirs.

    Avec les programmes actuels, un élève peut sortir du cycle 3 en ayant vu une seule fois la Mésopotamie. Avec des programmes plus précoces et au contenu plus riche, il peut en parler deux, voir trois fois !

    On peut ainsi répartir la difficulté et l’apport d’information sur plusieurs années et construire peu à peu des images et des concepts véritablement intégrés. C’est à cette condition que l’on pourra établir un véritable « curriculum en spirale » en histoire.

     

    ***

     

    N’ayons pas peur de parler du passé lointain aux plus petits ! Ils n’attendent que cela. Attendre le CE2, dans des quantités aussi limitées, c’est les priver d’une nourriture intellectuelle essentielle pour eux.

    Cet enseignement est parfaitement interdisciplinaire, puisqu’il permet d’évoquer pour la première fois des pays autres que la France, de parler de la faune et de la flore, des histoires et des personnages qui irriguent la littérature... Rien de contradictoire donc avec l’intitulé « découverte du monde », usuel en cycle 2, qui ne portera bien son nom qu’en incluant aussi le passé et le lointain.

    Il faut donc réécrire cette partie des programmes. Sinon, les mêmes causes produisant les mêmes effets, les élèves arriveront en cycle 4 avec un imaginaire historique étique et des compétences historiques non assimilées.

     


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    3 raisons de réintroduire la géographie physique dès l'école primaire

     

    Géographie physique (et humaine) en CE1, 1955.

     

    Le projet de nouveaux programmes de géographie pour le cycle 3 (CM1-6e) prend le parti de commencer directement cette matière par de la géographie humaine. Pas de plaines, de côtes, ni de montagnes, mais des actions comme « se loger », « transporter », consommer » ou « habiter ».

    En cycle 2 (CP-CE1), pas plus de références à la géographie physique.

    On voudrait faire en primaire comme on fait à l'université, qu'on ne s'y prendrait pas autrement.

    Pourquoi est-il nécessaire de proposer très tôt, avant des problématiques de géographie humaine, des éléments variés et structurés de géographie physique ?

     

    1 – La géographie physique développe l'imaginaire géographique des élèves.

     

     Si l'on commence par la géographie humaine, on court deux lièvres à la fois :

    - l'aspect physique (géologie, géomorphologie, botanique, etc.),

    - et les aménagements humains.

    Tout occupés à réfléchir à des concepts abstraits comme le déplacement, la consommation, la communication ou l'habitat, les élèves devront assimiler en même temps des éléments de géographie physique.

    Pas d'enseignement systématique des différentes formes du relief, donc, mais quelques remarques faites au coup par coup.

    Il est à parier que la mémoire à court-terme des élèves ne leur permettra pas de mémoriser tout cela. Et si les évaluations portent sur les points au programmes, ce sont la plaine et la végétation méditerranéenne qui passeront à la trappe.

    Commencer le plus tôt possible à apprendre les formes globales du paysage et du relief est nécessaire pour planter le décor nécessaire à des réflexions ultérieures. Les abstractions parfois difficiles auront bien plus de chance d'être comprises et retenues. La géographie fonctionne en cela comme l'histoire.

    Ce n'est pas parce que les éléments physiques sont intimement mêlés à l'action et à la perception humaine qu'il n'est pas pédagogiquement utile de les distinguer dans un premier temps.

     

    2 – La géographie physique donne l'occasion de faire de la géographie humaine.

     

    On peut faire très tôt de la géographie, qu'elle soit physique ou humaine. S'il faut commencer par une bonne dose de géographie physique, cela ne veut pas dire qu'il faille tenir un discours déterministe.

    Au contraire, les cours de géographie physique sont l'occasion d'introduire des éléments de géographie humaine.

    Commenter un paysage de montagne permet de parler de déplacement, d'industrie des loisirs, de ressources, de production, etc. L'élément physique devient le support matériel d'une constellation de faits géographiques et permet leur ancrage dans la mémoire et dans l'imagination.

    La photographie bien choisie d'une montagne, ou une belle illustration synthétique pleine de détails, peuvent amener à des analyses géographiques qui excèdent leur contenu a priori purement géo-morphologique.

    Plus tard, ces éléments de géographie humaine pourront être à loisir détaillés, discutés, comparés et conceptualisés.

     

    3 – La géographie physique est plus interdisciplinaire au niveau primaire.

     

    La géographie telle qu'elle sera introduite dans le cursus primaire recoupe des considérations économiques, politiques et sociologiques. Toutes ces matières sont belles et bonnes, et il n'est pas du tout illogique de préparer leur enseignement ultérieur par la géographie, dès le Cours moyen.

    Mais, ce faisant, on oublie des liens interdisciplinaires qui auraient pu être introduits plus tôt.

    Quid du lien avec les sciences naturelles ? Une géographie plus physique, commencée dès le CE au plus tard, permettrait de multiples liens avec la chimie, la physique, l'astronomie, la géologie.

    C'était le cas autrefois quand les manuels de leçons de choses commençaient avec l'étude du morceau de craie utilisé en classe pour écrire sur les ardoises. On en détaillait les propriétés, on faisait quelques expériences simples, et on pouvait aisément parler des belles falaises de Normandie.

    Quid du lien avec l'histoire ? Autrefois, la domination humaine sur la nature était moindre. Il est donc facile de lier l'étude du relief, de la végétation et de la faune à des faits historiques anciens.

    Pensons à l'étude de la Loire, qui peut donner lieu à de belles leçons sur la navigation en « gabarres ».

     

    ***

     

    Il est donc urgent de préciser la dimension physique de l'enseignement de la géographie et de l'avancer du cycle 3 au cycle 2.

    Je vous encourage à feuilleter le manuel du GRIP Ma première géographie documentaire, de Didier Glad : 

    http://www.instruire.fr/GRIP_1_WEB/FR/Ouvrage.awp?Ouvrage=GEO-1,

    et à lire les prolongements proposés dans une inspiration "active" :

    http://doublecasquette3.eklablog.com/geographie-au-cp-a114858600 

     

     

     

     


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  • J'ai eu la chance d'apporter la contradiction à Michel Lussault à propos des nouveaux programmes.

    Évidemment, il est dur d'avoir le dernier mot dans le contexte d'une émission radiophonique, mais je ne suis plutôt pas mécontent.

     


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    Je me demande si la famille est un groupe qui épanouit ou qui enferme...

     

    Le cours de français au collège est-il censé permettre aux élèves de se construire une culture littéraire ? À la lecture des nouveaux programmes de français pour le cycle 4 (5e, 4e, 3e), il est difficile de répondre.
     

    1/ Des intentions culturelles réelles, mais trop timides

     

    Pourtant, les rédacteurs de ces programmes ont parsemé leur texte de quelques références à la dimension historique et « patrimoniale » de la littérature.
     « Situer les textes littéraires dans leur contexte historique et culturel » est une des quatre « compétences » de l'entrée LECTURE. Elle est développée plus bas au moment d'expliquer la composante « Construire une interprétation littéraire » de cette « compétence ». Pour ce faire, on conseille d'intégrer parmi les quatre connaissances associées à cette composante des « éléments d'histoire littéraire et d'histoire ». Tout cela pour pouvoir « Situer une œuvre dans son contexte pour éclairer ou enrichir sa lecture et établir des relations entre des œuvres littéraires et artistiques » (sic), une des trois sous-composantes de la construction d'une interprétation littéraire. 
    Tous ces éléments sont bels et bons. Mais, on le voit dans le tableau, ils sont strictement subordonnés à d'autres finalités que celle de la construction d'une culture littéraire. « Situer » dans l'histoire, l'histoire littéraire et l'histoire de l'art, n'est pas un but en soi, mais une condition de l'interprétation des textes lus. Cette subordination est bien compréhensible dans l'absolu : la culture littéraire sert à lire et à écrire. Mais cette subordination de principe ne devrait pas se traduire par une subordination de fait dans le contenu des programmes : pour être construite, la culture littéraire doit être un objectif à part entière. 
    Les programmes semblent donc n'aborder les « éléments d'histoire littéraire » qu'au coup par coup, à l'occasion de la lecture de chaque texte. Ils ne pensent pas l'histoire littéraire en tant que culture à construire, en tant qu'un réseau de connaissances à organiser. Ils oublient que pour pouvoir choisir cet outil d'interprétation à bon escient, il faut avoir intégré un grand nombre de connaissances formant système. 
    Dans l'entrée ÉCRITURE, en préalable des travaux d'écriture à proprement parler (communiquer, formuler sa réception d'un texte, produire un écrit d'invention), on retrouve la composante intitulée « Comprendre les intérêts et les fonctions de l'écrit, réfléchir à l'acte d'écrire », à laquelle sont « associées » les connaissances suivantes : « Histoire de l'écriture et de ses représentations ».
    Encore une fois, ces éléments d'histoire, culturelle cette fois, sont très utiles. Cet aspect était négligé jusque-là. Mais pourquoi les lier exclusivement à l'entrée ÉCRITURE ? Cette histoire de l'écriture et de ses fonctions est tout aussi utile pour la compréhension et l'interprétation des textes lus. Il est difficile d'imaginer que des élèves de collège puissent pleinement s'emparer de ces notions complexes pour irriguer leur propre activité d'écriture. Les seuls travaux d'« enquête sur les usages de l'écriture » proposés par les programmes ne permettront pas d'ancrer ces notions de manières suffisante, ce qui empêchera leur mobilisation au moment de « verbaliser des intentions d'écriture » et d'« élaborer des stratégies". 
    C'est au moment de la lecture des textes que ces « enquêtes » peuvent être menées : autant dire que chaque texte lu devrait faire l'objet d'un enseignement d'histoire littéraire (sous une forme ou sous une autre). Des moyens ponctuels et sporadiques ne peuvent suffire : il faut inclure une dimension historique et culturelle permanente et répétée dans l'enseignement de la lecture. 
    Tel quel, cet enseignement d'histoire culturelle de l'écriture risque de faire l'objet d'un cours qui sera détaché de son objet le plus naturel, à savoir les textes et les œuvres littéraires. Il faut donc étendre le champ d'application de cette enseignement historique, et passer d'éléments d'histoire culturelle de l'écriture à une histoire culturelle de l'écriture et de la lecture littéraires. Sur ce plan-là, la réflexion des rédacteurs du programme n'a pas été menée jusqu'au bout.

     

    2/ Un programme de lectures à la fois trop et trop peu cadré

    Ces indications sont donc intéressantes, mais noyées dans la masse et trop strictement subordonnées à des compétences précises. L'organisation « par compétences » des programmes empêche l'émergence de la construction d'une culture littéraire en tant que telle. Le programme des lectures à faire pendant le cycle 4 rattrape-t-il cette omission ? On pourrait imaginer que le choix proposé soit structuré par une intention de ce type, comme une structure sous-jacente. Malheureusement, ce n'est pas le cas.
     

     

    Se chercher, se construire

    Vivre en société, participer à la société

    Regarder le monde, inventer des mondes

    Agir sur le monde

    Questionnements complémentaires (un au moins par année, au choix)

    5e

    Le voyage et l’aventure : pourquoi aller vers l’inconnu ?

    Repères :

    Récits de voyage et d’exploration, romans d’aventure, épopées

    Films, documentaires, photographie

    Le groupe (famille, amis, réseaux), entre épanouissement et enfermement

    Repères :

    Théâtre, romans et récits de famille, récits autobiographiques, correspondance, littérature d’idées, presse

    Films, fiction audiovisuelle

    Imaginer des univers

    nouveaux

    Repères :

    Récits, contes, poésie, bande-dessinée

    Merveilleux, fantastique, science-fiction, utopie, fantasy, anticipation

    Films, fiction audiovisuelle, peinture, arts numériques

    Héros et héroïsmes

    Repères :

    Épopées, mythes, légendes, romans de chevalerie, théâtre, poésie, bande- dessinée et comics, presse

    · L’homme est-il maître de la nature ?

    Repères : Romans, articles de presse et de revues scientifiques, littérature d’idées Films, documentaires

    · Questionnement libre

    4e

    Dire l’amour

    Repères :

    Poésie lyrique, roman, correspondance, théâtre, essai Musique, opéra, films

    Individu et société : confrontations de valeurs ?

    Repères :

    Théâtre, récits

    Tragique, comique, dilemme

    Opéra, films

    La fiction pour interroger le réel

    Repères :

    Nouvelles et romans réalistes

    Réalisme Films, fiction audiovisuelle, peinture

    Informer, s’informer, déformer ?

    Repères :

    Articles et tribunes de presses sur tous supports, romans portant sur le journalisme, correspondance

    · La ville, lieu de tous les possibles ?

    Repères :

    Nouvelles et romans, notamment policiers, poésie

    Films, photographie, peinture, documentaires

    · Questionnement libre

    3e

    Se raconter, se représenter

    Repères :

    Récits autobiographiques, poésie, autoportraits, récits d’enfance, journaux intimes, mémoires, théâtre

    Peinture, photographie, sculpture

    Dénoncer les travers de la société

    Repères :

    Fables, fabliaux, maximes, caricature, contes philosophiques, littérature d’idées Satire

    Presse, dessins de presse

    Visions poétiques du monde

    Repères :

    Poésie, romans et récits poétiques, écrits d’artistes

    Peinture, photographie, musique

    Agir dans la cité : individu et pouvoir

    Repères :

    Théâtre, romans, littérature d’idées, presse

    Cinéma, fiction audiovisuelle, documentaires

    · Progrès et rêves scientifiques

    Repères :

    Romans, articles de presse et de revues scientifiques

    Utopies et contre-utopies, science-fiction

    Films, fiction audiovisuelle, documentaires

    · Questionnement libre

     

    1er constat : les programmes ne proposent pas de titres ni d'auteurs précis, sans parler des époques ou des mouvements littéraires.
    C'est le professeur qui choisit les œuvres et les textes à lire, en fonction de cinq grands questionnements, qui déclinent chaque année cinq thèmes, que l'élève retrouvera donc en 5e, en 4e et en 3e : « Se chercher, se construire » ; « Vivre en société, participer à la société » ; « Regarder le monde, inventer des mondes » ; « Agir sur le monde » et un « Questionnement complémentaire au choix. » 
    Ces thèmes, qui cherchent à balayer les fonctions anthropologique, sociale et philosophique de l'écriture, peuvent être traités à partir de « ressources » variées : « littérature patrimoniale (en s’efforçant de puiser dans toutes les époques, du Moyen Âge au XXe siècle) », « littérature contemporaine », « littératures antiques et étrangères », « littérature de langue française », « littérature de jeunesse », « textes non littéraires de natures et de fonctions variées (écrits sociaux, documentaires) », « œuvres issues de domaines artistiques diversifiés ». 
    Autant dire que la proportion des textes susceptibles de structurer une culture littéraire sera variable, en fonction des professeurs et des choix d'équipe. La volonté de laisser les enseignants choisir les œuvres à étudier peut tout à fait aboutir à des programmations inopérantes en termes de culture littéraire. 
    Concrètement, il sera possible de « traiter le programme » en faisant lire un nombre anecdotique de textes classiques. Puisqu'il faut « s'efforcer de puiser dans toutes les époques, du Moyen-Âge au XXe siècle », il suffira de faire lire quelques extraits isolés issus du « patrimoine » littéraire pour que cette condition soit remplie.  

    Premières propositions :

    donner des indications précises de lectures classiques pour le cycle, comme dans les anciens programmes ;

    laisser une marge de manœuvre dans le choix de ces lectures, autant dans leur nature que dans leur quantité, dont l'équipe enseignante puisse s'emparer pour éviter les répétitions.

     

    2e constat : l'éducatif prime sur le culturel. 

    On a réparti des questionnements, censés décliner chaque année le même thème, en les structurant non pas pour leur cohérence interne, mais pour des raisons excessivement éducatives.
    C'est par exemple le cas du premier thème : « Se chercher, se construire ». Les questionnements correspondants (« Le voyage et l'aventure : pourquoi aller vers l'inconnu » en 5e, « Dire l'amour » en 4e et « Se raconter, se représenter » en 3e) sont liés par des rapports philosophiques : pour « se chercher » et « se construire », formulations vagues s'il en est, il faudrait en effet se confronter à l'autre, par le voyage et l'amour, pour apprendre finalement à parler de soi.
    Cette répartition des lectures tente en quelque sorte de mimer le développement de l'élève, avec toutes les chances de ne pas être synchrone avec lui, et en faisant l'hypothèse que les lectures doivent absolument être liées avec les stades théoriques de ce développement. Naïvement, on cherche à administrer la bonne lecture au bon moment, pour influencer le développement de l'élève.
    On est finalement assez loin de la vieille catégorie des « centres d'intérêts », qui a structuré les pratiques pédagogiques, les programmes et les sommaires des manuels à partir des années 20. Ceux-ci étaient concrets (l'aventure, les voyages, les sentiments amoureux...) et empiriquement constatés. Ici, il s'agit de présupposer des questionnements chez l'élève à partir d'un modèle théorique très précis (de l'autre au moi, dans la première compétence). Le cours de français deviendrait une forme de coaching pour adolescents.
    En surface, les choix ne sont pas illogiques puisqu'ils recoupent des centres d'intérêts connus depuis longtemps. Dans l’Émile déjà, Rousseau repoussait le plus tard possible l'évocation des sentiments amoureux ? Plaçons-la en 4e. Le voyage est un thème important dans les programmes du début du secondaire depuis au moins les années 30 ? Commençons en 5e par le voyage. Mais leur formulation et leur intégration dans une « compétence » fourre-tout les rend beaucoup plus intrusifs et plus autoritairement éducatifs qu'auparavant. Le centre d'intérêt était une porte pour faire entrer l'élève en littérature ; les « questionnements » sont une effraction de la littérature dans l'élève.
    C'est la même chose pour le deuxième thème : « Vivre en société, participer à la société ». D'un stade « enfantin » en 5e, traitant le thème du groupe, notamment familial, on passe à un stade « adolescent » en 4e, mettant l'accent sur l'individu, pour finir par un stade « adulte », celui de la « dénonciation (sic) des travers (re-sic) de la société ». Dans le troisième thème, « Regarder le monde, inventer des mondes », on passe de la fiction (5e) au réel (4e) pour finir par une vision poétique du réel (3e). Enfin, dans le quatrième, « Agir sur le monde », un stade « critique » (4e) succède à un stade « héroïque » (5e), le tout aboutissant à un stade « engagé » alliant dialectiquement les deux (3e).
    Autant dire que les rédacteurs de ces programmes se sont fait plaisir, structurant les trois années du cycle 4 comme autant de dissertations plus ou moins dialectiques, fondées sur des idées très arrêtées concernant le développement des élèves. Ces présupposés sont contestables et ne sont d'ailleurs pas justifiés par des références psychologiques et philosophiques, que l'on devine éclectiques et approximatives. On décèle ce manque de rigueur dans l'usage permanent des jeux de mots (« informer-déformer », « le monde-les mondes »), des pluriels (les mondes, les héroïsmes, les valeurs, les visions poétiques) et des verbes à l'infinitif.
    En fait, ce genre d'incohérences est inévitable à partir du moment où l'on essaie de de définir différents thèmes à étudier. On est sûr d'en oublier, et surtout de faire des choix contestables à cause de la part d'arbitraire qui y a présidé. Ainsi, qu'est-ce qui a justifié l'introduction du thème de la ville en 4e ? Il est certes possible de ne pas l'étudier et de choisir un autre questionnement. Mais ce genre de proposition est le symptôme d'un vice essentiel.
    Surtout, un programme par thème en littérature enlève de la souplesse au travail de sélection des textes et des œuvres par l'enseignant. Au lieu de réfléchir au plus près des textes, de se fier à la réflexion qui leur est propre, on introduit deux sous-catégories de réflexion entre eux et la réflexion des élèves. Une partie de l'attention et de l'énergie des professeurs sera prise par la conformité de leurs choix au programmes, alors que rien ne le justifie intégralement. En outre, il s'agira de choisir les textes permettant d'illustrer la complexité du questionnement au programme. Il faudra calquer l'ordre des lectures sur celui d'une dissertation implicite, prescrite en amont au mépris du contenu particulier de chaque œuvre, de l'identité de chaque classe et du style de chaque professeur.
    Les enseignants devront faire la démarche contournée consistant à voir en quoi les œuvres qu'ils pensent donner à lire illustrent ou permettent d'avancer dans le questionnement officiel. Alors qu'il serait bien plus simple et bien plus littéraire de partir de l’œuvre pour voir en quoi elle permet de réfléchir à des thèmes multiples, auxquels le législateur n'aura pas pensé. Le danger de cette répartition par thèmes est de faire de toute lecture une lecture-prétexte.
    Il aurait pourtant suffi de rappeler aux professeurs, s'il en était besoin, la distinction des contenus moraux, sociaux et existentiels de l'enseignement qu'ils prodiguent, et de faire un inventaire, forcément incomplet, des thèmes abordés lors du cours de lecture, pour leur servir de mémento : le moi, les autres, la société, la nature, le monde (et Dieu, mais on n'a pas osé aller jusqu'au bout de la proposition en introduisant des préoccupations métaphysiques dans les programmes...)
    Il faut le dire : cette attention aux implications existentielles, morales et sociales de la littérature nous paraît constituer un progrès par rapport à un enseignement encore aujourd'hui majoritairement technicien de la littérature. Malheureusement, à trop vouloir insister sur cet aspect-là, les rédacteurs des programmes ont abouti à un texte qui force la main sur la manière d'assumer l'indispensable finalité éducative de l'enseignement littéraire. 

    Deuxièmes propositions :

    rappeler explicitement la finalité éducative de l'enseignement littéraire ;

    repousser explicitement le technicisme ;

    faire une très large liste non hiérarchisée des implications éducatives de l'étude des textes et des œuvres ;

    laisser le libre choix des questionnements, des thèmes, et des objectifs éducatifs aux enseignants ;

    encadrer cette liberté par une exigence de diversité et d'adaptation à l'âge des élèves.

     

    3e constat : ce programme de lecture n'est pas progressif. 

    En effet, il tend à faire étudier un objet de savoir d'un seul coup, sans y revenir par la suite. En effet, si les questionnements sont structurés comme on l'a dit, c'est aussi parce qu'ils ne sont pas liés entre eux de manière cohérente sur le plan didactique et épistémologique.
    Il est certes possible de construire une progression annuelle répétitive, puisque chaque questionnement peut être étudié en plusieurs fois, voir croisé avec un autre questionnement. En revanche, d'une année sur l'autre, il est très dur de revoir les connaissances littéraires de manière « spiralaire », de manière de plus en plus approfondie.
    En effet, quels rapports littéraires entre ces différents questionnement, entre « Le voyage et l'aventure » et « Dire l'amour », par exemple, ou entre « Héros et héroïsmes » et « Informer, s'informer, déformer » ? A contrario, les programmes disjoignent des thèmes très fortement liés sur le plan littéraire, comme l'amour et l'héroïsme (pensons à Racine et à Corneille), les mondes imaginaires et la réflexion sociale de la deuxième entrée (Huxley, Voltaire, Swift, Rabelais...).
    En choisissant des thèmes et des questionnements, en les liant d'une manière plutôt que d'autre, les programmes donnent une image restrictive de la littérature, en fermant certaines portes et en obligeant à passer par d'autres.
    Cela pose un problème didactique : par exemple, il faudrait faire de l'amour un thème central uniquement en 4e ? Dans les désormais « anciens programmes », on pouvait évoquer ce thème, littéraire s'il en est, en 6e, avec Ovide par exemple, en 5e, avec la matière de Bretagne, en 4e avec le Cid, puis en 3e avec les tragiques. Un tel parcours est toujours possible, mais il n'est pas mise en évidence et sera automatiquement mis à l'écart au profit de ceux que le programme a explicitement énoncés.
    Un des acquis des programmes de 2008 était justement l'organisation en partie chronologique du programme de lecture. La sixième jouait le rôle d'un sas d'entrée en littérature. On y récapitulait les quelques connaissances littéraires du primaire (les contes, la mythologie, les fables). On mettait l'accent sur des textes dits « fondateurs », qui pouvaient servir de textes de référence pour les lectures ultérieures. Par exemple, en 5e, la fin de Tristan et Iseut permettait d'évoquer à nouveau le mythe de Thésée. En 3e, l'objet d'étude « Réécriture des mythes » ramenait à la mémoire des souvenirs de 6e. Le professeur et l'équipe enseignante pouvait faire revenir de nombreuses fois des motifs, des scènes, des types de personnages. Ulysse s'opposait à Achille, mais menait à Renart, qui menait à Scapin, et ainsi de suite.
    Le bénéfice d'une part de chronologie dans les programmes était à la fois de structurer les connaissances littéraires des élèves, mais surtout de leur faire remobiliser ces connaissances, afin de mieux les mémoriser et surtout d'y voir une utilité pour comprendre et interpréter les textes. Dans les nouveaux programmes, l'intertextualité est aux abonnés absents.
    En outre, la chronologie n'y est pas évoquée. Le questionnement « Héros et héroïsme » écrase dans un seul item à la fois tout l'ancien programme de 6e (les « textes fondateurs ») et une partie du programme de 5e (le roman de chevalerie, l'épopée médiévale).
    On pourra sans doute réintroduire de la chronologie à l'intérieur des « séquences », mais certainement pas faire remobiliser aux élèves les connaissances culturelles de manière « spiralaire ». 

    Troisièmes propositions :

    réintroduire une part de chronologie dans les programmes, au moins dans la partie fiction narrative, où cela se justifie le plus ;

    exiger une quantité suffisante de lectures classiques, choisies parmi une liste non exhaustive, afin de permettre le réemploi des connaissances antérieures.

     

    ***

    Ainsi, arrivant au lycée, les élèves de 2016 auront lu une constellations de textes sans cohérence historique. La cohérence thématique ne l'aura pas remplacée, les intitulés étant bien trop abstraits et mal formulés pour pouvoir être utiles aux élèves. Ils serviront aux professeurs pour choisir quoi lire, de manière très contrainte, on l'a vu, mais ne seront pas perçus par les élèves comme les principes organisateurs qu'ils prétendent être.
    La fonction éducative de ces programmes n'aura d'effet qu'à la marge. Il est en effet naïf d'imaginer que ces lectures auront des effets directs et immédiats sur le développement social et moral des adolescents. Tout ce qui restera, c'est une succession de séquences sans lien apparent entre elles, une démultiplication de textes répartis en « groupements », des poussières de culture littéraire.
    Si l'on pense que le collège est le lieu où une culture littéraire peut commencer à se construire, il faut revenir sur ce programme de lecture trop cadré sur le plan des thèmes, d'une cohérence et d'une légitimité contestables sur le plan éducatif, trop peu respectueux des conditions de possibilité d'une véritable culture littéraire.
    C'est à cette condition que les quelques avancées des nouveaux programmes de français, à savoir une part d'histoire culturelle, une volonté éducative affichée, un abandon du technicisme narratologique, pourront être mises en œuvre sans hypothéquer la construction d'une culture littéraire.

     

     


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