•  Ernest Lavisse

        Cet article (un peu long, j'en conviens) a pour but de juger objectivement une tradition pédagogique aujourd'hui décriée. Je ne cherche pas à dire que tout était bon dans la pédagogie de l'histoire d'autrefois, mais qu'il y a du bon à prendre pour rendre plus efficace l'enseignement historique actuel, dont je constate, personnellement, la relative impuissance à transmettre des connaissances solides.

    Histoire d’une leçon : une leçon d’histoire ?

    Ernest Lavisse et la « leçon orale » en histoire

     


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    Les gestes utilisés pour distinguer la possession et la "démonstration" sont très connus : on pointe le doigt vers soi ou on montre quelque chose. Le problème est que cela ne nous indique pas si le possessif prend un "s" ou un "c", ni si le démonstratif prend un "c" ou un "s".

    Un truc circule de classes en classes, consistant à reconnaître la forme d'un "c" dans la courbe dessinée par l'index et le pouce quand la main montre quelque chose. Cela marche plutôt bien. Mais il arrive qu'on rencontre des élèves qui ne "voient" pas le "c". Moi-même, j'ai mis longtemps à comprendre de quoi on voulait parler. 

    Dans ces dessins, j'ai simplement voulu reprendre ces deux gestes et les associer de manière plus forte à chacune de ces lettres, qui forment un petit système bien pratique pour soulager la mémoire et la réflexion linguistique au moment d'écrire.

     

    Comme on le voit, la forme serpentine du "s" renvoie à la légère contorsion que l'on ne peut manquer de faire quand on se montre soi-même avec son doigt. En outre, j'ai renforcé cette association en reprenant le vieux moyen mémo-technique consistant à faire remarquer la grande quantité de "s" dans le mot "possessif".

    Affichés en classe, ils sont un repère très apprécié des élèves quand il s'agit de choisir un pronom lors d'une rédaction ou quand il faut relire sa dictée. Ils l'accompagnent parfois du geste correspondant. Ainsi, l'orthographe reprend toute sa dimension signifiante et n'est plus perçue seulement comme un formalisme arbitraire.

     


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  • Trop souvent, le complément d'objet du verbe est repéré par les élèves grâce à des critères de distribution. Dans le pire des cas, il s'agit du premier nom qui a le malheur de se trouver après le verbe, et dans le meilleur, c'est un complément du verbe qu'on ne peut pas supprimer.

    Je ne critiquerai pas cette dernière conception, issue de la linguistique des années 70. Cécile Revéret le fait très bien dans quelques textes que l'on peut trouver sur le net. Au hasard : Comment faire apprécier la grammaire ? ou Un cours de grammaire au collège (en attendant un livre sur l'enseignement de la grammaire au collège, qui ne devrait pas tarder).

    Résumons son propos. Le meilleur moyen de repérer le complément d'objet est de se familiariser avec la notion d'objet de l'action. Certains verbes expriment une action qui n'a besoin que d'un sujet pour advenir : "Je nage". D'autres actions ont absolument besoin d'un "objet" sur lequel s'exercer. Pour "manger", il faut quelqu'un qui mange (le sujet) et quelque chose qui est mangé (l'objet). Sans personne pour manger, on ne peut pas manger. Sans rien à manger, on ne peut pas manger non plus.

    Tout autre méthode oublie la dimension sémantique des mots, leur poids de chair, et se contente de voir dans la syntaxe un pur formalisme arbitraire. Seul le repérage sémantique du CO est véritablement utile, en ce qu'il permet aux élèves de s'habituer à donner un sens aux mots qu'ils utilisent et une logique à la forme de leurs phrases.

     

    Voici un schéma que j'ai conçu pour aider les élèves à connaître les rapports entre le sujet, l'action et son objet. 

    Un schéma pour visualiser la notion d'objet de l'actionLe choix de l'action n'est pas innocent, puisqu'il permet, dans les grandes classes, d'esquisser une petite étymologie des mots "sujet" et "objet". Le but est de faire comprendre, dès la 6e, que le sujet et l'objet sont les deux faces d'un même pièce, en l'occurrence l'action.

     


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  • Couchée ou coucher ?

    (Angélique endormie de Rubens, d'après L'Arioste)

    Il y a une chose que je n'ai jamais comprise chez les élèves, c'est l'étonnante persistance de la confusion entre les terminaisons verbales ER et É. Pourtant, la bonne vieille technique de la substitution par un verbe à l'infinitif du 3e groupe est, une fois n'est pas coutume, assez efficace.

    À mon époque, on nous disait que si on pouvait dire « prendre », le verbe finissait par ER. Aujourd'hui, les élèves préfèrent « mordre », « vendre » et autres verbes exotiques. Parfois, on a explicité et allongé la formulation de cette astuce : "Si on peut dire « prendre », c'est ER, et si on peut dire « pris », c'est É." Ce faisant, on a compliqué les choses. Certains élèves s’embrouillent et il n'est pas rare d'entendre que si l'on peut dire « prendre » (ou « mordre », etc.), on met É, et que si l'on dit « pris », on met ER...

    La substitution n'est jamais la meilleur manière de faire car elle tend à éloigner de la mémoire immédiate la formule dont il est question au profit de variantes plus ou moins exactes. Les élèves n'étant pas à l'aise avec la langue et n'ayant pas une mémoire de travail très grande, les dégâts sont très vite irréversibles. Mais, en l'occurrence, cette substitution-là est simple et rapide. À force de l'utiliser, elle devient automatique et l'on s'en passe de plus en plus facilement. Dans ce cas, la routine mécanique renforce l'intuition de la langue au lieu de lui mettre des bâtons dans les roues.

    Cependant, l'idéal serait de faire ressentir aux élèves la différence entre les deux terminaisons, qu'on peut résumer ainsi.

     

    L'infinitif a un sens « sécant ». L'action exprimée est considérée à un moment précis de son déroulement. Quand je dis « manger », je pense à une action en train de se dérouler. On n'en envisage pas de l'extérieur les limites initiale et finale.

    Le participe passé a lui un sens « global ». L'action est considérée comme un tout, dont on voit les limites de l'extérieur. Quand je dis « mangé », je sais que l'action a commencé et est déjà finie. En cela, le participe passé a aussi un sens « accompli ». Ici, quelque chose a déjà été mangé.

    Mais l'on peut aussi distinguer un infinitif actif et un participe passé passif. « Manger » : l'action est faite par un agent qui fera office de sujet du verbe. « Mangé » : l'action est subie par un patient, auquel se rapporte le verbe. Bref, quand je dis « manger », je pense à celui qui va manger, et quand je dis « mangé », je pense à celui qui a été mangé.

    Cela explique pourquoi, avec l'auxiliaire « être », le participe passé s'accorde avec le sujet : le sens du verbe « être » n'est pas actif, puisque c'est un verbe d'état. « Avoir », en revanche, est un verbe d'action. Cela explique aussi qu'il peut s'accorder avec le complément d'objet direct du verbe si l'auxiliaire est « avoir » : c'est bien l'objet de l'action qui subit cette action.

    Passif, accompli ou les deux, le participe passé s'oppose à l'infinitif par son sens. D'ailleurs, un locuteur expérimenté choisira et accordera la terminaison« au sens ».

     

    Mais cette distinction est difficilement perçue par les élèves, et on ne peut naturellement pas la leur expliquer en ces termes. Si l'on en reste là, il vaut mieux s'en tenir à la technique de la substitution.

    Il existe certes des exemples frappants qui peuvent marquer les esprits d'élèves plus âgés. Cette phrase, écrite par Mme de Sévigné à sa fille, n'a plus vraiment le même sens si l'on transforme le participe en infinitif :

    « Je me suis mise à vous écrire au bout de cette petite allée sombre que vous aimez, assise sur ce siège de mousse où je vous ai vu quelquefois couchée. »

    Le spectacle d'une mère imaginant sa fille couchER fait généralement beaucoup rire les quatrièmes et les troisièmes. Mais en enseignement, marquer les esprits ne suffit pas. L'oubli prend vite le dessus.

     

    Pour m'en sortir, j'ai imaginé un schéma qui montre, sans jargon linguistique, la différence de sens entre les deux. Assorti des explications adéquates, il aide la mémoire et aiguise la perception de la signification des modes verbaux.

    Un schéma pour "sentir" la différence entre infinitif et participe passé

    Dans le premier cas, la souris veut manger, mais rien n'a été encore mangé. Le sens du verbe est actif, sécant et inaccompli. Dans le second, la souris a été mangée. Le sens du verbe est passif, global et accompli.

     

    J'ai choisi un nom féminin, la "souris", pour pouvoir faire un accord en genre. En effet, il faut faire percevoir aux élèves que l'infinitif ne se rapporte pas à un nom (c'est le sujet qui se rapporte au verbe), mais que le participe passé, lui, se rapporte à un nom auquel il s'accorde. Cela nous conduit à une petite maxime, bien pratique du moment que les élèves savent ce que veut dire « accorder » un mot :

    « Si le verbe peut s'accorder en genre et en nombre au mot auquel il se rapporte, il finit par É, et non ER. »

     

    Ce schéma ne dispense pas d'apprendre la différence entre infinitif et participe de manière plus formelle et abstraite. Il n'exclut pas non plus le vieux remède de la substitution. Mais des élèves l'ayant plusieurs mois sous les yeux, le prof y faisant référence dès qu'il en a l'occasion, doivent logiquement s'imprégner de la différence sémantique entre ces deux formes verbales.


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  • La Pyhtie

    La Pythie et ses interprètes

    S'il y a bien une chose qui trouble des élèves de lycée, c'est de savoir ce qu'il faut dire à propos des textes qui sont soumis à leur réflexion pendant le cours de littérature.

    Ils tentent parfois de chercher une figure de style, un champ lexical, ou se cantonnent à de la paraphrase.

    C'est qu'on ne leur a jamais dit ce qu'on pouvait dire des textes. On le leur a montré à maintes reprises, lors de cours magistraux, on les a fait participer à la recherche d'un tel propos lors de cours dialogués, on a pu même la leur faire pratiquer, seuls ou en groupe, dans ce qui s'apparente à des séances de travaux pratiques.

    Mais, en supposant qu'ils aient la culture nécessaire, et l'intuition que seule une pratique régulière de la lecture peut apporter, ils manqueraient encore d'une attitude réflexive qui leur permettrait de faire retour sur ces années de pratique, à l'école ou chez eux.

    Il est en effet utile de savoir en gros ce qu'il est possible de dire sur un texte. Ce n'est pas cela qui fait trouver des idées. Mais en rangeant dans un second temps ces idées dans quelques catégories, même grossières, on se donne la possibilité de les développer, et surtout de ne pas oublier certains aspects essentiels du texte étudié.

     

    Ainsi, il n'est pas rare que les élèves oublient complètement d'interpréter tout ou partie du texte.

    Par "interpréter", j'entends se demander pourquoi c'est ce texte précis, et non un autre, écrit de cette manière, et non d'une autre, qui prend place à cet endroit précis de l'œuvre.

    Très souvent, au lieu de se poser la questions des raisons qui justifie l'existence spécifique d'un texte, les élèves se réfugient dans l'inventaire de ses modalités d'écriture. Il est en effet plus rassurant de relever quelques procédés déjà vus en cours. Il s'agit de mettre en œuvre des techniques éprouvées, ou censées l'être, qui ont été apprises, révisées et auxquelles on s'est parfois exercé.

    Le problème est qu'une somme de procédés n'a jamais fait une œuvre et qu'on ne peut se passer de prendre en compte ses finalités. De même, à ne faire que relever des éléments techniques, les élèves en oublient le simple bon sens, point commun qui les relie à l'auteur de l'œuvre et les réunit dans la communauté des lecteurs, cet instinct de lecteur et d'être humain sur lequel compte l'auteur pour mettre en place ses effets. 

     

    Mais l'injonction de dire pourquoi un texte a été écrit comme il est écrit a quelque chose de paralysant. Cette question paraît si évidente qu'on se sent bien bête de ne pas trouver immédiatement la réponse.

    Les professeurs de français sont coutumiers des réponses excessivement prosaïques que font les élèves à cette question. Il n'est pas rare de s'entendre dire que les auteurs ont écrit ainsi pour l'argent, pour la gloire. Ou alors, l'élève a recours aux mystères de l'inspiration, et la question lapidaire du "Pourquoi ?" ne reçoit alors comme réponse qu'un sibyllin "Parce que."

     

    Il faut, me semble-t-il, spécifier quelque peu ce qu'on entend par interpréter un texte. Pour cela, j'ai élaboré un tableau qui met en forme les quatre grands types d'interprétation qu'on peut envisager face à un texte.

     

     

    Grâce à lui, l'élève peut vérifier qu'il n'a pas oublié de parler d'un aspect important du texte. On peut d'ailleurs appliquer cette grille a l'usage d'un mot, d'une phrase, d'une figure de style, d'une composition particulière, etc.

    1. Le texte a un rôle dans l'œuvre

    S'agit-il d'exposer l'intrigue, de la conclure, de ménager une pause, de rappeler un autre épisode ?

    2. Le texte provoque un effet sur le lecteur

    Fait-il rire, pleurer, frémir ? Suscite-t-il l'admiration, la terreur, la pitié, la répulsion ou l'exaltation ?

    (Il s'agit finalement de réfléchir à ce qu'on appelait il y a peu des "registres", mais de manière moins techniciste, en les reliant à l'expérience de lecture, celle qu'a eu l'élève ou celle qu'il sent qu'on lui demande d'avoir.)

    3. Le texte propose un jugement des personnages et des actes.

    Faut-il admirer, mépriser, louer, blâmer, s'identifier ? Rodrigue a-t-il eu raison de préférer suivre sa gloire que son amour ?

    4. Le texte permet une réflexion sur un thème.

    Que dit-on de l'honneur, de la guerre, du péché, de l'amour ?

     

    On le voit, ces grandes catégories sont poreuses, et il ne s'agit pas d'enfermer la réflexion dans l'une ou l'autre, au risque de ne pas voir, par exemple, que l'admiration des actes d'un personnage est à la fois un effet du texte sur le lecteur, la formulation d'un jugement et le fruit d'une réflexion morale ou esthétique.

    On proscrira aussi une utilisation sclérosée d'un tel tableau, consistant à s'exercer de manière répétitive à identifier à quelle catégorie d'interprétation appartient telle ou telle idée.

    Il suffira d'afficher ce tableau en classe et de faire suivre certaines des réflexions faites en cours par une interrogation sur leur nature. On peut imaginer aussi de développer une analyse plus technique proposée par un élève ou menée collectivement lors du cours dialogué en demandant comment on peut interpréter un métaphore, la longueur d'une réplique ou une intervention du narrateur dans le récit.

    Il s'agit donc d'un aide-mémoire et d'un outil de "déblocage" de la pensée, davantage que d'une procédure automatisée qui dispenserait les élèves de penser par eux-mêmes et d'interroger leur expérience de lecture par rapport au texte. 


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