• Au-delà de l'opposition pédagos/anti-pédagos : modernisme et anti-modernisme

     

    "Ton anti-pédago a-t-il une moustache ? - Oui... - C'est Jean-Paul Brighelli !!!"

     

    Et c'est reparti pour un tour ! La guéguerre des "pédagos" et des "antipédagos" est de retour ! 

    L'équation "réforme du collège" + "impopularité du gouvernement" + "progression des réseaux sociaux" + "récupération du débat scolaire par LR et le FN" a pour résultat un regain d'animosité des deux côtés du champ pédagogique. 

    D'un côté, on fustige les "assassins de l'école", de l'autre, on réagit en exaltant ses "sauveurs"

    Rien de nouveau là-dedans, si ce n'est l'intensité des coups portés, en ces temps de populisme. 

    Hier, c'était les "pédagos" qui étaient désignés comme les "fossoyeurs" de l'école par les "antipédagos". Quant à eux, on les traitait de "réactionnaires", de "nostalgiques" (mot devenu une insulte, à force). 

    Ne parlons pas des "pédagogos" (les gogos de leur propre idéalisme pédagogique ?), des "pédagols" (jeu de mots d'un goût très douteux), des "républicains" (forcément chevénementistes), des "réac-publicains" (habile réponse du berger pédago à la bergère anti-pédago, par le mouvement Questions de classe) !

    Je propose de trouver des appellations moins polémiques pour désigner ces deux camps. Non pas pour apaiser le débat : cela ne risque pas d'arriver de si tôt. Mais pour pouvoir parler de ce débat sans prendre parti pour un côté ou pour un autre. 

     

    1/ Les modernistes

    En cherchant un peu, j'ai été frappé par le fait que ces deux camps se définissent par ce qui les oppose.

    Ils sont pourtant très fragmentés eux-mêmes.

    D'un côté, les partisans des pédagogies active, coopérative, constructiviste (ces caractéristiques n'étant pas synonymes), les didacticiens (plus scientistes et plus disciplinaires), les sociologues de l'éducation, les partisans d'un tournant numérique de l'éducation. De l'autre les écoles hors-contrat, les partisans du chèque-éducation, les communistes du GRDS, les pédagogues du GRIP, les éditorialistes populistes, les "anonymes consternants" qui mènent la guérilla sur Twitter.

    Mais le premier camp est uni par une même caractéristique : son opposition, plus ou moins intense, plus ou moins explicite, plus ou moins centrale dans les discours, à la tradition. Ce camp, constitué après-guerre dans l'objectif de moderniser le système scolaire, les méthodes pédagogiques et les programmes, n'a pas gardé grand-chose de l'école de Jules Ferry. Celle-ci, avec les lycées dits "napoléoniens", a été constituée en repoussoir. 

    Nous appellerons donc ce camp le camp "moderniste". 

    J'y inclus le mouvement québéco-français de la pédagogie explicite, qui refuse l'enseignement dit "traditionnel" et se réclame d'une certaine modernité psychologique. J'y inclus les mouvements pédagogiques issus de l'Education nouvelle comme l'ICEM, les écoles Montessori, etc. Pour autant, cette appellation ne me semble pas valable pour ces même mouvements avant-guerre, qui ne rejetaient pas un héritage mais un système scolaire bien en place.

     

    2/ Les anti-modernistes

    Ceux qui s'opposent aux modernistes et au modernisme pédagogique sont logiquement les anti-modernistes. 

    Ils rejettent les propositions concrètes de réformes des modernistes ou bien l'idée même d'une supériorité intrinsèque de la nouveauté. Dans ce dernier cas, il n'y a pas besoin d'être traditionaliste pour être un anti-moderniste.

    J'en excepte les pédagogues de l'école publique d'avant-guerre, qui étaient plutôt des fondateurs et qui s'opposaient eux-aussi à une tradition (l'enseignement verbaliste, catéchétique et mécaniste des lycées du XIXe siècle). 

     

    ***

    Pour ma part, je me réclame d'un certain anti-modernisme, celui qui préconise de revivifier une part de l'héritage de la tradition d'avant-guerre (la philosophie des programmes, certaines méthodes, certains supports pédagogiques), mais me dissocie nettement des anti-modernistes intégraux qui veulent revenir au roman national, à la discipline, au port de l'uniforme. 

    En cela, je suis un moderniste éclectique, qui a bien l'intention de piocher là où bon lui semble, sans rejeter a priori la tradition, forcément obsolète, ou la modernité, forcément inutile. L'éclectisme, notion emprunté au didacticien des langues vivantes Christian Puren, pourrait être le troisième terme qui permet de sortir de la guéguerre. À condition que l'on accepte que l'école pré-moderniste a des choses à nous apprendre et que l'école modernistes aussi. 

    Sortir des camps, c'est accepter d'arrêter le dénigrement, qu'il vienne d'un camp comme de l'autre, et tenter de faire un bilan objectif d'un système scolaire vieux (déjà) de 135 ans. 

    En cela, un véritable modernisme doit aussi être un traditionalisme...

     

     

     


  • Commentaires

    1
    Mercredi 12 Octobre 2016 à 11:35

    Eh oui, car ce qui est moderne peut AUSSI être idiot. De l'importance de l'adverbe. ;-)

      • Mercredi 12 Octobre 2016 à 13:52

        J'ai pensé à ça en écrivant ce passage... ;-)

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