• Nouveau président du CSP : demandez le programme !

     

    Le nouveau président du CSP dans son travail de refondation des programmes (fantasme d'anti-pédagogiste)

     

    Quand un entrepreneur véreux met la clef sous la porte et vous laisse un chantier inachevé, plein de vices de construction et seulement vos yeux pour pleurer, il n'y a pas trente-six solutions. Soit vous rasez tout et vous recommencez, soit vous sauvez ce qu'il y à sauver, en étayant et en renforçant l'existant.

    C'est un peu le dilemme devant lequel se trouve Jean-Michel Blanquer après la démission de Michel Lussault du Conseil Supérieur des Programmes.

     

    J'exagère un peu.

    Michel Lussault n'est pas un entrepreneur véreux. Malgré les critiques que je peux formuler contre les nouveaux programmes scolaires dont il a présidé la rédaction, ce fut un président consciencieux, qui a visiblement fait le job avec honnêteté.

    Ces programmes ne sont pas totalement à jeter. Dans ma partie (le programme de lettres), on peut leur reconnaître par exemple un effort louable pour lutter contre le technicisme qui mine encore cette matière.

    En outre, ces programmes n'ont pas été créés à partir de rien. Il s'agit moins d'une construction neuve que de la réfection d'un bien vieux bâtiment, déjà grevé de défauts considérables, dont on ne peut pas accuser ses rénovateurs.

    Mais tout de même, si comme Jean-Michel Blanquer semble le penser, ces programmes ne donnent pas satisfaction, on n'échappe pas à cette alternative : tout refaire ou se contenter d'apporter des modifications.

     

    Je voudrais militer en faveur de la seconde option.

    Et pourtant, Dieu sait si certains aspects de ces programmes ne me plaisent pas : retardement des cours d'histoire-géo-science d'un an à l'école primaire, programmes de lettres aux thématiques fumeuses et contraignantes, etc.

    Mais la question est de savoir si on peut annoncer tout de go à de récents propriétaires qu'il leur faut vider les lieux et que leur maison sera démolie et reconstruite, sans toit de rechange ?

    En effet, ces programmes ne sont pas rejetés en masse par les professeurs des écoles. Même au collège, l'opposition vigoureuse de certains ne peut pas cacher que beaucoup ont commencé à les appliquer sans trop rechigner.

    Un nouveau président du CSP nommé par un gouvernement aux accents plutôt libéraux serait mal accepté par un corps professoral majoritairement à gauche, surtout si le contenu de ses propositions se résumait à un retour aux "bonnes vieilles méthodes". C'est ce qui commence à s'esquisser, comme on le voit dans les annonces toutes plus tonitruantes les unes que les autres de notre omniprésent ministre.

    De nouveaux "nouveaux programmes" ainsi imposés seraient nécessairement perçus, à tort ou à raison, comme réactionnaires.

     

    En outre, le désormais "ancien" CSP a pu être accusé d'être constitué par cooptation de personnes issues d'un sérail de "pédagogistes" se connaissant tous. C'est possible, même si ce n'est pas la sensation que j'ai eue. Chercheurs en « sciences de l'éducation », didacticiens, politiques, mais aussi professeurs en exercice : ce CSP n'était pas le Politburo que certains y ont vu.

    On peut reprocher à cette composition de n'avoir pas intégré de militants pédagogiques de l'autre bord (pour le dire vite, les « anti-pédagogistes »). On pourrait reprocher exactement la même chose à un nouveau CSP qui donnerait les clefs des programmes à cette mouvance à l'exclusion des mouvements et des mouvances pédagogiques qui dominaient le CSP de Michel Lussault.

     

    Tout reprendre à zéro serait donc politiquement hasardeux et mettraient les collègues professeurs face à une nouvelle charge de travail au moment même où ils commencent à s'emparer des programmes de 2016.

    En revanche, il est possible de retoucher ces programmes, sans tout changer, en en gardant quelques points intéressants et en en diminuant les effets néfastes.

    Quelques exemples, concernant les programmes de français de collège :

    • Ne pas supprimer le prédicat, mais donner la possibilité de s'en passer et de préférer un usage de la notion traditionnelle de proposition, qui fait tout aussi bien l'affaire.

      À la place, rapatrier en primaire les différents compléments du verbe (COD, CC) qui étaient repoussés au Cycle 4.

      Proposer d'ajouter aux critères de repérage grammaticaux mis en vedette dans ces programmes le critère sémantique (justement très utiles pour comprendre les compléments du verbe) 

    • Ne pas supprimer l'approche "problématisée" de la littérature en Cycle 4. Mais faire de la liste des "questionnements" une liste indicative sans programmation de cycle. Charge aux professeurs de choisir les questionnements les plus appropriés, en les reformulant de manière adéquate.

      Cependant, on ne fera pas l'économie de reformuler certains items (notamment en en supprimant toutes les formulations basées sur un infinitif, comme "Dire l'amour", ou sur un jeu de mot, comme "Informer, s'informer, déformer")

    • Repenser de manière plus explicite et plus cohérente une progression chronologique en français, sans faire du cours de français un cours d'histoire littéraire, en se fondant sur les quelques traces encore présentes dans les programmes de 2016.

     

    À part ces quelques retouches, le CSP doit remplir deux missions supplémentaires :

    1/ l'évaluation des programmes, notamment par une écoute attentive des retours de la part des professeurs, notamment grâce à la courroie de transmission des syndicats et des associations disciplinaire ;

    2/ la mise en place et le suivi d'expérimentations programmatiques, garant d'une forme de souplesse dans l'application des programmes et porteur de modifications ultérieures.

     

    Ce faisant, les programmes perdraient leur caractère définitif et deviendraient amendables au coup par coup.  

    En tout cas, souhaitons bon vent à ce nouveau président, qui sera, n'en doutons pas, placé au milieu d'un sacré tourbillon d'injonctions contradictoires...

     

    PS : voir dans les commentaires pour quelques propositions de retouches concernant le primaire, par Catherine Huby.


  • Commentaires

    1
    Lundi 2 Octobre 2017 à 10:43

    J'ajouterais volontiers à ta liste de retouches celle de quelques attendus de fin de cycle :

    • en maternelle, tout d'abord : 

    - écrire et déchiffrer des syllabes et des mots simples ;

    - écrire en cursive en respectant les normes de l'écriture liée ;

    • et au cycle 2 (CP, CE1, CE2) :

    - supprimer "décoder aisément des mots inconnus réguliers, reconnaitre des mots fréquents et des mots irréguliers mémorisés" qui sent très fort l'injonction à utiliser une méthode idéovisuelle, plus ou moins déguisée en méthode vaguement mixte ;

    - être un peu plus clair en ce qui concerne la grammaire et surtout la conjugaison pour laquelle les contradictions sont nombreuses entre les "attendus de fin de cycle", les tableaux "connaissances et compétences associées" et les "repères de progressivité"...

    - préciser les attendus de fin de cycle suivants :  « résoudre des problèmes en utilisant des nombres entiers et le calcul » et « calculer avec des nombres entiers » qui prêtent à toutes les interprétations : division ou pas division ? posée ou pas posée ? même si, ensuite, dans les tableaux, il est clairement indiqué que ce sont bien les quatre opérations qui seront vues au cours du cycle.

    - En mathématiques, affiner les repères de progressivité relatifs au calcul : la situation du CP est claire, celle du CE2 aussi, en revanche aucun repère pour le CE1, ce qui peut mener à toutes les interprétations.

     

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